Comment lire et savourer (enfin) les oeuvres du courant littéraire du 19ème siècle
En abordant les premiers mots d’un roman du XIXème siècle, on est parfois pris de nausée. On parvient difficilement à retenir son attention. On fait face à un repoussoir, un obstacle remarquable… Malgré le contexte, malgré toute ta bonne volonté, la pilule a du mal à passer…
Découvrir la littérature du 19ème siècle
Première recommandation : ne pas se forcer. Ça paraît évident, mais ça va mieux en le disant. Solution : prendre un autre livre. On peut ensuite choisir de dépasser les premiers mots. Comme dans toute oeuvre, l’accroche se fait après quelques pages. Cela dépend bien évidemment des dispositions de chacun, à lire ce type de littérature. Et cela varie également en fonction des romans. Mais c’est le sentiment général m’inspirant cette réflexion, lorsque je me souviens des épisodes ayant ponctué ma jeunesse, partout au cours de ma scolarité.
Un jour, un ami m’empruntait un roman, traînant au milieu de mes étagères. Un drame dans la rue de Rivoli, de Louise Colet. Il bloqua net à l’issu du premier paragraphe. Comme beaucoup d’entre-vous et peut-être toi (oui toi là, n’es-tu pas en train de te remémorer ces moments de souffrance, à devoir lire les longues pages de Madame Bovary en première), un roman du XIXème siècle constitue un objet abstrait, un style obsolète. Or, rien n’est plus pénible pour le cerveau que de se soumettre à un tel environnement. Car cela demande un effort intellectuel. Et c’est pour cette raison que l’art contemporain attire moins les foules que le musée du Louvre.
Comment alors donner du sens et du plaisir à sa lecture ? Il existe trois domaines intéressants à explorer. ils vous apporteront l’envie de prolonger une lecture. Ce sont les oeuvres épistolaires, les Nouvelles et la littérature étrangère.
L’oeuvre épistolaire
On devrait plutôt dire correspondance privée. Car c’est de celle-ci dont je souhaite vous parler. Les oeuvres épistolaires font références à des fictions utilisant la correspondance comme outil littéraire. Lorsqu’une personnalité remarquable disparaît, tel un auteur de littérature reconnu, on parvient au fil des années à rassembler un grand nombre de ses lettres émises et reçues.
Ce fut le cas par exemple de George Sand, Gustave Flaubert, Alexandre Dumas fils ou encore Victor Hugo. Cette liste n’est évidemment pas exhaustive. L’ensemble de ce courrier constitue parfois une matière exceptionnelle. La correspondance au 19 ème siècle s’est beaucoup développée en raison des progrès de transport et de distribution postale. La lettre nous permet de connaître l’intimité des auteurs. Elle dévoile une relation privée entre deux personnes. Et ces dernières prennent alors l’occasion de confier certains aspects personnels de leur vie. Comme un emploi du temps, une inquiétude, un enthousiasme sur un sujet ou un autre.
Les échanges constituent à l’évidence un document historique unique et incomparable. Gustave Flaubert par exemple entretenait une correspondance soutenue. Parfois même entre l’Orient et la France. Il m’est arrivé de suivre avec assiduité le récit de ses voyages. Le style est beaucoup plus spontané que celui du roman. Mais même à travers les lettres, l’auteur use parfois de son talent d’écrivain pour transmettre un message, susciter une émotion, décrire un lieu.
Les lettres se comptent pour certaines personnalités par centaines. Pour George Sand, ce n’est pas moins de 19500 à minima qui ont été rassemblées et publiées. Chiffre incroyable constituant un record. Et à lui seul une partie essentielle de son oeuvre. Vous pouvez y accéder facilement et gratuitement avec votre Kindle, voire directement sur Gallica ou Wikisource. Ces écrits représentent une source intarissable pour la connaissance d’un environnement. Et surtout une liberté de lecture et d’évasion. L’oeuvre épistolaire instaure un moyen formidable d’enrichir par certains aspects la compréhension d’un siècle.
Enrichir sa lecture
Une autre manière de lire les oeuvres du 19 ème siècle : les Nouvelles. Il y en a à foison. L’avantage réside évidemment dans la brièveté de l’histoire. Avez-vous déjà lu les contes de Théophile Gauthier ? Comme La Théière par exemple ? Si vous êtes friand de fantastique, cet auteur réussira peut-être à vous toucher avec l’expression de ses sentiments. Mais si vous souhaitez consacrer votre lecture à des scènes plus ordinaires, choisissez Guy de Maupassant. Vous obtiendrez plusieurs centaines de contes. Des histoires banales, simples ou touchantes parviendront à réveiller certainement votre intérêt. Et d’ailleurs, vous pourriez tout aussi bien compléter ces lectures en regardant les adaptations télévisées de ces oeuvres. Elles sont – du moins pour celles que j’ai eu l’occasion de regarder – très réussies.
Enfin, je vous encourage vivement à diversifier vos lectures, avec des oeuvres étrangères. Connaissez-vous les histoires rocambolesques parues sous le titre Nouvelles histoires extraordinaires d’Edgar Allan Poe, dont Charles Baudelaire assura la traduction ? En réalité, d’autres intellectuels de l’époque avaient entrepris la traduction, mais la plus connue est celle du poète Français, ayant également composé une préface du recueil. L’univers d’Edgar Poe constitue un monument de la littérature américaine.
On y retrouve des thématiques qui inspireront des générations d’auteurs, parmi ses contemporains et ceux qui suivront. La thématique fantastique a ainsi contribué à façonner l’imaginaire des membres du courant surréaliste, notamment celle d’André Breton. Les cinéastes ensuite, ont largement puisé leur inspiration chez cet auteur. Il est une référence incontestable chez bon nombre d’écrivains et d’artistes. Une autre référence de la littérature étrangère : les soeurs Brontë. J’ai lu Les Hauts de Hurlevent, d’Émilie. L’approche se distingue nettement des romans français. C’est un grand bol d’air, pour ceux qui apprécient la spontanéité des évènements.
Toi, t’as peut-être du mal avec le courant littéraire du 19ème siècle. T’aimerais bien ensoleiller tes journées, en lisant de grandes oeuvres romantiques ou réalistes. Aviver l’étincelle. Mais à l’évidence, un phénomène étrange se déroule… Tu accumules les exemplaires, sans trouver le livre idéal. Un filtre opaque t’empêche d’attiser le feu de la passion pour des romans classiques.
Allez, sèche tes larmes.
Je vais éclairer ta lanterne. En te dévoilant comment passer des ténèbres à la lumière.
Je te montrerai déjà, quel est ce voile assombrissant ta lecture.
En illuminant les voies qui te mèneront vers les auteurs majeurs du 19e.
Au cours de ce mouvement, un monde passe lentement de la bougie, à l’électricité.
Laisse-moi ranimer ta flamme et ton esprit rayonnera. Avant cela, permets-moi de te révéler mon histoire.
Sommaire
- 1 Découvrir la littérature du 19ème siècle
- 2 Mon histoire littéraire
- 3 Approche et représentation
- 4 Le monde du 29 août 1883
- 5 Le courant littéraire du 19e : un style unique
- 6 Comprendre l’obstacle à la lecture
- 7 Connecter sa connaissance
- 8 1re connexion : le temps
- 9 2de connexion : politique & philosophie
- 10 Évolution du style littéraire
- 11 S’inspirer
Mon histoire littéraire
Tout jeune, j’habitais au Moyen-Orient. Ah… si tu l’avais vue ma bibliothèque familiale. Loin de passer inaperçue. Elle prenait au fil des années une allure exceptionnelle, car mon père la garnissait régulièrement. Crois-moi ou non. Mais on possédait l’une des plus belles collections de roman classique. Notamment des bouquins de Zola, Flaubert, Balzac.
En revanche à mes yeux, cela ne constituait qu’un large meuble harmonisant la déco du rez-de-chaussée. Mes camarades, eux, devaient se rendre au cdi de mon établissement scolaire. Ou au Centre culturel, afin d’accéder à un espace littéraire francophone. Moi, pas. Ce que je réalise avec le recul ? Une chance immense. Et de la France, mon rapport se limitait à travers la scolarité. Puis des ballades avec les amis. J’y voyais une grande valeur à ce moment-là, car on vivait l’époque sans internet. Mais laisse-moi te conter la suite…
Un jour, je tombe sur un film français en cassette vidéo. Est-ce-que tu vois le tableau ? C’est comme si on avait balancé un kit de survie à Robinson Crusoé. Je m’apprête à regarder en solitaire, ce long métrage. Du noir et blanc, mais qu’importe. En m’apprêtant à visionner un film français, je frémissais de bonheur. Titre : Candide, d’après le conte de Voltaire. Adaptation très moderne de l’oeuvre, puisque l’histoire se déroule notamment, au cours de la seconde guerre mondiale.
Plus de 80 minutes de détente et de saveur. Comédie, tension dramatique, une pointe de romantisme.
Une pléiade d’acteurs de la grande époque : Jean-Pierre Cassel, Pierre Brasseur (le père de Claude), et j’en passe. Tout pour profiter une bonne soirée.
Dans mon living-room climatisé, je visionne à l’orée du désert, la belle histoire de Voltaire… Quand j’y repense, j’en frissonne. Oui, on appelait la pièce living-room. C’était un espace ouvert à l’étage, composé de larges baies vitrées. Quelques jours plus tard, je parcours des yeux la bibliothèque familiale. Et là, c’que je vois…
Candide de Voltaire, trônant au milieu de l’étagère. Je le retire délicatement. Puis, tout en feuilletant les premières pages jaunies, je constate à ma grande joie, une ambiance similaire. La description des lieux colle parfaitement à la narration du film. Le baiser de Cunégonde, Candide se faisant chasser du château… Bref, c’est le graal. Je m’assois, décidant de continuer ma lecture. Jusqu’à bout. Un certain temps passe…
Jusqu’à Parvenir à la dernière réplique que tu connais peut-être : « Cela est bien dit, répondit Candide, mais il faut cultiver notre jardin ». Puis, je referme le précieux recueil. Un sentiment de satisfaction me traverse l’esprit. Mêlé de fierté et d’étonnement…
J’ai lu un classique… de Voltaire qui plus est. Dans l’imaginaire d’un jeune adolescent comme moi, le courant littéraire du 19e matérialisait un objet ennuyeux. Associé à l’école et à un exercice obligatoire. À l’opposée de mes activités habituelles, pendant mes heures de loisirs. Un évènement permettait de dépasser ma crainte en débutant la lecture. Tu aimerais savoir ce que c’était, pas vrai ? Je vais te le dire. Grâce au film, j’avais réalisé une connexion. J’oubliais ainsi le caractère monotone, ressenti généralement, en lisant les premières phrases d’un classique. Grâce à cette connexion dont je n’avais pas conscience, je changeais d’interface. Je visualisais plus facilement les scènes de Candide. Et ça se déroulait avec d’autant plus de facilité, qu’il m’était naturel de traduire en image les péripéties de l’intrigue. Et pourtant, je n’étais pas au bout de mes peines, car un autre jour…
Je pioche un roman appartenant cette fois-ci au 19ème. La Petite fadette, de George Sand. Mais cette fois, l’euphorie s’envole. Je consulte alors par curiosité les encyclopédies et passe en revue, tout ce qui concerne ce courant littéraire. De prospection en découverte, je finis par me familiariser avec le siècle de l’auteur. Bam. Je réalisais ma deuxième connexion.
Tu sais, là où j’habitais, c’était pas Paname. Dehors, fait chaud… près de 40°. Quand t’habites au Moyen-Orient, tu cherches un peu de nostalgie du pays avec c’qui reste : les livres.
Désormais, chaque instant passé autour d’une oeuvre, aboutissait à une quête. Comme si je m’apprêtais à un parcours initiatique. C’était tout simplement le plaisir de m’abreuver de mots. C’est ainsi, que je m’initiais au courant littéraire du XIXème siècle. Depuis, j’ai continué à lire les oeuvres traditionnelles. Pas autant que je l’aurai voulu, hein. J’étais loin du lecteur boulimique. Mais l’appréhension disparaissait. Je me suis mis à découvrir des romans dont j’ignorais tout. À propos des auteurs, au sujet des évènements. Je me laissais emporter assez facilement, parce que j’aimais cette langue que je percevais complexe par moment, souvent attirante cependant. L’histoire parvenant finalement à retenir mon attention. Son aspect exotique me fascinait. La représentation scolaire s’estompait pour disparaître complètement. Et toi ?
Quelle interface voudrais-tu changer pour lire la littérature du 19ème siècle ?
Imagine posséder la culture nécessaire. Que tu connaisses le contexte littéraire et historique de cette période. Il te sera alors plus facile d’y accéder. Tu peux entrer dans le 19ème siècle sans t’obliger à lire les romans de cette période. Il existe tant d’oeuvres, de récits et d’écrits appartenant à cette époque. Tu as l’embarras du choix.
Tu gît aujourd’hui dans des eaux tumultueuses et troubles. Alors, allonge-toi sur le canapé si tu veux et lis bien la suite. Car je vais éclaircir ton regard. Adoucir tes pensées. Multiplier tes connaissances.
Approche et représentation
L’approche
Il te sera difficile d’emprunter la même démarche que la mienne. Pour quatre raisons. Quoique se faire un film avant de lire l’oeuvre dont il est issu, instaure une approche se révélant parfois stratégique. Mais dans mon cas, c’était un peu spécial.
- C’est d’abord en pur hasard que je découvrais le courant littéraire du 19ème siècle, en dehors de mes obligations scolaires.
- Les conditions étaient propices.
- Et mon intérêt résultait d’un cheminement naturel.
Dernière raison : j’étais un gosse. À une autre époque. Dans un contexte différent. Tu seras donc heureux de savoir, qu’il est inutile de modifier le mécanisme de l’horloge temporelle pour forcer ton moi enfant. Sans parler du paradoxe que cela pourrait engendrer. T’as déjà entendu parler de la rupture du continuum espace-temps ?
Alors, comment faire ?
Il faut établir des connexions comme moi…
Mais en prenant une approche différente. Tu peux t’intéresser au 19ème en remettant déjà en cause, ta conception de ce siècle.
Représentation
Oublie tes années passées en classe à écouter ton prof de français. Bon alors, sauf s’il s’agissait d’un Keating, mais là c’eût été différent. Il faut en réalité modifier les appli de ton cerveau, installées tout au long de ta scolarité.
Exit le drame romantique, le théâtre naturaliste, la poésie symboliste, le réalisme. Apprécie la littérature du 19ème siècle sans alourdir ton esprit de titres gonflants que l’on donne aux courants. D’accord, c’est vrai, on va en parler vers la fin… Toutefois, ce sera pour mieux illustrer mon propos.
Fais-toi d’abord à l’idée que le siècle de Rimbaud fait écho au notre. Car le 19ème constitue le début de la mondialisation, telle que nous la connaissons aujourd’hui. Nos aïeux n’avaient juste pas conscience d’être l’amorce d’un grand changement. Tu penses que cette période classique ne fait référence qu’aux grandes figures légendaires de la littérature ? Comme celle de Maupassant, Balzac ou Flaubert ?
Détrompe-toi, elle est beaucoup plus variée qu’on ne le pense. Mais même les écrits de ces auteurs institutionnels, se révèlent intéressants à plus d’un titre. Parce que ces derniers ont su donner à leurs contemporains et aux générations futures, un témoignage remarquable. C’est l’âge d’or de l’imprimerie. Les gens lisent autant pour s’informer que s’évader. La littérature vit sur son piédestal.
Les plus grands succès faisaient partie des oeuvres modernes de l’époque comme La Case de l’Oncle Tom ou Les Mystères de Paris. Les lecteurs sont autant friands d’aventures que ceux d’aujourd’hui. En consultant le classement des 100 premiers romans sur Amazon, j’ai constaté sans surprise l’absence du 19ème siècle.
Les seuls livres appartenant aux courants classiques, correspondaient à des nécessités scolaires. Dans la catégorie Littérature française, j’ai cependant noté la présence d’un titre de Hugo : Le Dernier jour d’un condamné. À la lumière des commentaires mis en ligne, on remarquera deux d’observations contradictoires.
Par exemple, celle d’une mère se plaignant d’un effet soporifique, entrainant sa fille lycéenne dans un profond sommeil. Au contraire, on relève la satisfaction d’un autre lecteur. Celui-ci chantait les louanges d’une lecture très facile, tout en mettant en avant la profondeur et le caractère vertueux de l’oeuvre. So… WTF ?
Je te propose qu’on voie ensemble un évènement historique majeur, dont tu as peut-être déjà entendu parler. C’est une manière d’introduire le sujet. Et c’est comme cela que tu peux commencer par réinitialiser ton logiciel interne.
On possède pas de machine à voyager dans le temps, mais on va faire semblant. Propulse-toi en 1883. Quelque part, entre l’île de Java et de Sumatra. Au sud-ouest sur la carte.
Ici, durant quelques jours de l’année, juste avant la date fatidique et après un sommeil d’environ 200 ans, le volcan indonésien Krakatoa avait grondé. Mais le 27 août, il entra dans une fureur apocalyptique. L’impact : de niveau mondial. Cette éruption, on l’a considère en effet aujourd’hui, comme la pire catastrophe naturelle de l’ère moderne. À tel point qu’on la nomme volontiers de cataclysme. Ensuite, écoute bien.
La montagne de feu décima tout son environnement en tuant près de 40 000 personnes. Pour l’époque, c’est un chiffre malheureusement badass. Et le plus extraordinaire, tu sais c’ que c’est ? L’effroi.
Oui, un terrible effroi…
Le volcan porta atteinte à l’audition de toute personne vivant à moins de 20 kilomètres des lieux. Le Krakatoa signifiant volcan silencieux dans la langue locale, exprima sa vengeance d’une étrange manière… On pense en effet que l’onde de choc causa le bruit le plus fort, jamais entendu dans l’Histoire. Car celui-ci atteignit même l’Australie, d’après de nombreux témoignages.
Le 27 août 1883, les entrailles de la Terre s’ouvrirent et laissèrent s’échapper les matières ardentes, enfouies dans les couches profondes. Le cratère expulsa une quantité si dense d’éléments dans la stratosphère, que la température mondiale diminua légèrement. En raison des poussières obstruant une partie des rayons lumineux. Des pluies acides ont également été constatées les années suivantes. Greta Thunberg aurait été furax, c’est clair… Enfin, l’impact fut également visuel. D’énormes masses se disséminèrent d’Europe à l’Amérique, parsemant dans le ciel d’étranges couleurs.
Visibles surtout à l’aube et au crépuscule. Donnant au soleil des nuances fantastiques. D’où la célèbre peinture d’Edvard Munch.
Peu d’entre-vous connaissent ce nom, mais tout le monde – ou presque – a déjà vu l’expression figée suggérant l’effroi. On peut se demander si en Europe, la nouvelle parvint rapidement. Lis la suite, tu vas en être baba.
Publication de la nouvelle
Régulièrement à l’affût de documents concernant ce siècle, je me suis posé la question au sujet des évènements de 1883. J’ai consulté à tout hasard les publications du journal Le Monde, sans trop y croire. Et là, surprise totale. On découvre un petit encadré à la rubrique Etranger . Le Monde évoqua effectivement le désastre dans ses colonnes le 29 août, soit le surlendemain.
Source : @ Gallica, Le Monde daté 29 août 1883
Tu peux également consulter la publication du 31 août (patienter durant le chargement de la page – la brève figure dans la colonne à gauche de la rubrique « faits divers » en haut), où on y évoque les conséquences sur le plan humain et géographique. Le journal reprend la crise humanitaire en apportant plus de détails.
Le 19ème siècle, déjà remarquable en terme de transformations sociales et techniques, l’est également par sa capacité à diffuser l’information. T’imagines… Celle-ci traverse en un temps record tout un continent, pour parvenir jusqu’aux journalistes d’un quotidien national parisien. Il faut ensuite écrire l’article – en l’occurence, ce fut une brève – l’intégrer dans la maquette, puis enfin imprimer le papier. Impensable, n’est-ce-pas…
C’est ce dont je souhaitais te parler. La vitesse à laquelle se propage l’information.
Nous, enfants du XXIème siècle, bénéficions d’un système équivalent. À ceci près que le numérique et la fibre optique remplacent désormais les anciennes voies, à la vitesse de la lumière. Diffusion instantanée grâce à Google, à la télé, aux réseaux sociaux. Sans évoquer le smartphone, un concentré de technologie plus puissant que toute celle de la Nasa dans les années 60. Et tenant dans le creux de notre poche. Nous vivons en temps réel les évènements.
J’ai choisi l’exemple de l’éruption du Krakatoa, car nous découvrons une presse, en mesure de rapporter cette tragédie lointaine dès les jours suivants. Et une manifestation de celle-ci sur plusieurs continents. Comme si le volcan se voulait une allégorie de la transformation sociale ayant eu cours, tout au long du siècle.
Car oui, cette évolution de la Société des années 1800, désigne en fait le début de la Mondialisation. On assiste aux prémices d’une nouvelle connexion. Même si cette dernière mit longtemps à atteindre le stade actuel.
À cet âge, on s’informe, on lit, on commence à voyager. De plus en plus vite. L’accès à la connaissance croît progressivement. Quoiqu’il est encore long… Lent le chemin… Vers l’autre, l’ailleurs. L’accès au monde. À l’image surtout. Le télégraphe, le train et le développement de la correspondance par voie postale constituent ces points de relations. Soit, et alors ? Qu’est-ce que cette allégorie nous dit de la littérature ?
Le courant littéraire du 19e : un style unique
Sais-tu pourquoi l’écrivain, jadis, détaillait dans les moindres détails, les éléments de son récit ? Parce qu’il voulait faire vivre l’histoire à son lecteur, tout en stimulant son imagination. C’est doublement vrai, lorsque l’intrigue se déroulait dans des contrées exotiques.
Comme dans Salammbô de Gustave Flaubert. Car celui qui lisait, n’avait pas à priori, la connaissance de son sujet. Comment s’imaginer en effet une pièce d’un château, un océan, une étable, un navire, un pays lointain ?
Autant de figures qu’on pouvait difficilement concevoir, si l’on en avait pas une représentation. Notre connaissance désormais – j’entends le flux d’images interminables auxquelles nous avons accès – a modifié totalement l’approche littéraire. Aujourd’hui, le romancier doit décrire, mais sans ennuyer le lecteur. Ce que l’on recherche, c’est une représentation au service d’un rythme soutenu, de l’action et de l’histoire. Pas un exposé au style sophistiqué, empruntant par moment des allures d’alexandrin. Lis les premiers paragraphes d’Indiana par exemple, le roman de George Sand. Ils illustrent son caractère interminable, propre au 19ème siècle.
Par une soirée d’automne pluvieuse et fraîche, trois personnes rêveuses étaient gravement occupées, au fond d’un petit castel de la Brie, à regarder brûler les tisons du foyer et cheminer lentement l’aiguille de la pendule. Deux de ces hôtes silencieux semblaient s’abandonner en toute soumission au vague ennui qui pesait sur eux;
mais le troisième donnait des marques de rébellion ouverte : il s’agitait sur son siège, étouffait à demi haut quelques bâillements mélancoliques, et frappait la pincette sur les bûches pétillantes, avec l’intention marquée de lutter contre l’ennemi commun.
George Sand, Indiana, Wikisource.
Il n’en demeure pas moins une poétique remarquable, pour celui qui connaît les subtilités, l’histoire et le contexte de cette période. Sans explorer jusqu’au moindre détail le début de cette oeuvre – car là n’est pas mon sujet – on pourrait déjà voir dans le vague ennui qu’évoque le narrateur, une thématique emblématique du siècle de George Sand. Puisque celle-ci est liée au Spleen dont souffrent ses contemporains… Musset, Baudelaire et bien plus tard Rimbaud.
Le lecteur dispose d’un vaste vocabulaire permettant à l’auteur d’établir chez lui, un sentiment particulier. Le champ lexical témoigne d’une atmosphère se voulant écrasante, engourdie. Mais, n’allons pas plus loin.
En comparaison, parcours le début du recueil de nouvelles, Voyages, paru en 2004. Je dois dire que je me suis prêté à un jeu avant de proposer cet extrait. J’ai en effet choisi le premier livre contemporain, défilant sous mes yeux. Herbjørg Wassmo, auteur Norvégienne, nous offre des détails. Parfaitement intégrés avec l’action du personnage :
(...) Un couple très correctement vêtu se trouva derrière moi. Moi aussi j'étais habillée pour la circonstance. Sans ostentation, bien sûr. Il était important d'irradier un anonymat rassurant. Ils vont au même endroit, pensai-je en leur tenant la porte et en leur faisant un signe de tête aussi aimable que possible. La femme répondit par un signe de tête. D'un air absent. Comme si d'être saluée par une personne étrangère n'était pas dans ses habitudes. L'homme émit l'ombre d'un sourire. Son noeud de cravate était un peu de travers.
Absence de lourdeur. On évite une longueur inutile de phrases… Les évènements s’enchaînent avec fluidité. La description se mêle à l’action sans délivrer de détails qui pourraient parasiter le récit. En un minimum de mots, les personnages prennent place dans une scène brève et tellement parlante.
Mais alors ?
Qu’est-ce qui nous rend ainsi paresseux, devant les classiques ?
Le courant du XXIème siècle nous emporte dans un torrent d’information, d’interaction, d’images… C’est le burn-out total. Car nous sommes hyper-connectés. Par rapport aux siècles derniers, notre rapport au temps a changé, comme nous le verrons plus loin. En réalité, bien davantage. C’est la perception même de notre environnement qui s’est modifiée. De nos références.
En 2015, une information t’a peut-être échappée, car elle ne constitue pas un aspect essentiel de ta vie. Laisse-moi t’apprendre cette évènement. Des astrophysiciens ont établi l’adresse universelle de notre galaxie. Oui, tu as bien entendu. La Voie lactée, se trouve désormais localisée dans une partie de l’univers. Avec précision. Hum… J’entend au fond de la classe, l’un de vous marmonnant dans l’oreille de son camarade, qu’on s’éloigne du sujet. Laissez-moi vous dire une chose. L’adresse cosmique de notre planète, suppose que nous sommes allés très loin dans la connaissance de notre environnement.
Cela implique forcément un impact sur nos vies, nos perceptions, nos rapports à l’autre. Et finalement sur la manière de dire le monde, comme la littérature le fait si bien.
Laniakea le nom donné à notre adresse dans le cosmos, signifie paradis incommensurable en langue hawaïenne. Cela nous en dit long sur la place que s’est donnée l’Homme. Alors qu’il y a 200 ans, notre soucis était d’abord de comprendre les mécanismes de la gravité et de notre système solaire. Je ne t’en parlerai pas davantage, car il ne s’agit pas de traiter ici de cosmologie. Quoique… vous verrez après. Non, ce qu’il importe, c’est de savoir quelles répercussions la conception de l’Homme sur l’univers, peut entraîner dans son sillage.
Réseaux sociaux
Le confort de notre vie quotidienne s’est considérablement amélioré, grâce à l’automatisation et à la technologie. Nous bénéficions à ce titre de plus de temps libre. Mais celui-ci nous a finalement été confisqué. Car ce temps, nous le passons dans les transports, au travail, devant Netflix, devant la machine à laver, dans la cuisine, au Drive. Quand nous avons enfin réussi à caler quelques minutes de respiration, nous les utilisons pour consulter nos réseaux sociaux.
Et finalement le soir, au lit, avant de fermer les yeux nous préparant à un sommeil bien mérité, nous nous accordons un peu de lecture.
C’est à ce moment-là que nous sommes les plus vulnérables, car nous ne souhaitons pas perturber notre plaisir d’évasion par un langage abscons du 19ème siècle. Auquel de toute manière, nous ne saisissons pas grand chose. Voilà pourquoi nous ne ressentons plus actuellement, la même nécessité de lire avec autant de plaisir ces romans. Notre accès – presque – illimité à la connaissance nous a retiré la patience. Celle d’apprécier l’esthétique d’une telle littérature. Les réseaux sociaux nous enlèvent peut-être toute capacité à réfléchir plus longuement. Toute capacité d’imagination. Car on enchaîne instantanément notre concentration.
- sur un autre post
- une nouvelle info
- une anecdote supplémentaire
On est systématiquement en quête de renouveau. Facebook s’est donné pour mission d’accaparer ton attention. Elle vend de la donnée. Et c’est pour cela que sa valeur totale en bourse, pèse plus lourd que la plus grande société de pétrole au monde. Oui oui, vérifie. L’attention et le temps sont des valeurs essentielles de la vie. Souviens-toi en toujours.
Mais alors, comment établir ces fameuses connections, capables de lier notre cerveau à la littérature du 19e ?
Si tu intègres les raisons ayant amené une évolution du style entre le 19ème siècle et le notre, cela sera-t-il suffisant à découvrir sa littérature ? Pourras-tu combler la pièce manquante ? Sans doute pas. Écoute bien la suite, je vais t’y aider.
Car je vois bien qu’il s’agit pas simplement d’accepter la réflexion d’une expression particulière, ayant eu cours jadis, pour les raisons évoquées plus haut.
Souvent, l’obstacle nous empêchant d’apprécier une oeuvre aussi ancienne, réside en fait dans notre capacité à contextualiser une histoire. C’est notre pièce manquante du puzzle. Si en classe t’as démontré une mauvaise volonté à lire des romans tels que ceux de Flaubert, Zola ou Stendhal, c’est pas d’ta faute. Mais celle de l’Éducation nationale.
Elle ne se soucie guère de pédagogie. Son objectif consiste à servir un programme qu’il te faudra assimiler… jusqu’à la lie. Je sens que je réveille des souvenirs là.
Pourtant, si l’on commençait par présenter un contexte général, l’élève disposerait de quelques références. Et elles s’avèreraient utiles. Car elles représenteraient ainsi l’oeuvre, dans un environnement précis. Disons, durant une heure.
- Une 1/2 séance consacrée à la situation politique
- Une autre, destinée aux aspects sociaux et culturels de l’époque
Le tout accompagné de faits concrets. Sans entrer dans les détails, mais juste quelques pistes… Est-ce trop demandé ? Je vois ici ou là sur le web, quelques enseignants mettant en place des stratégies, afin d’inciter à lire. Mais il ne s’agit pas d’un processus émanant des institutions. Elles sont basées sur la détermination et l’amour d’un prof pour ses élèves.
Revenons au contexte. Comment faire par exemple, pour lire Madame Bovary ? Si j’avais eu à l’étudier au lycée, j’aurai par exemple voulu savoir comment à l’époque, les gens vivaient au quotidien.
– Qui était le chef de l’État ?
Réponse : nous vivons le retour de la Monarchie, avec Louis-Philippe. Comprendre : suite à la révolution française, on est encore très loin de la République, telle qu’on la connaît aujourd’hui. C’est en réalité une période faîte de bouleversements politiques.
– Quels étaient les évènement majeurs des années 1830 – 1848 ?
Réponse : deuxième révolution française, à l’issue de laquelle Louis-Philippe justement, accéda au trône.
Un fait remarquable à noter : l’école élémentaire, instituée dans toutes les communes de France. C’est d’ailleurs dans un établissement scolaire, que le roman de Flaubert débute.
– S’il existait des troubles sociaux
Réponse : il n’y a que ça. La France ne connaît que des renversements, succédant à des régimes fragiles. Le tout, derrière le spectre du choléra.
– Quelle place tenait la femme en société
Réponse : globalement, la femme est considérée inférieure à l’homme. Elle se verra refuser tout au long du siècle et sur une partie du suivant, l’accès à des études supérieures et aux diplômes. Et même lorsqu’elle parvient à obtenir la loi pour elle, en terme d’éducation, celle-ci subit une résistance flagrante des corps de métiers.
Bien que le sujet paraisse simple, il est en réalité plus complexe. Car il ne convient pas de limiter la femme à sa seule condition d’épouse ou de fille. Il existe en effet des disparités entre les classes. Or, la femme n’est certainement pas une catégorie sociale. Voila le cadre du XIX ème siècle.
Pour la période bovaryenne, nous sommes à peu près dans la continuité du code civil napoléonien. La femme demeure aux yeux de l’État, un être fragile que le mari et le père, doivent protéger. Et c’est finalement de grandes intellectuelles comme Floria Tristan et George Sand, qui vont dénoncer, sous différentes formes, l’aberration de ces injustices. Cependant, attention.
Elles n’essentialisaient pas leur combat aux femmes.
Voilà.
Autant d’interrogations et de réponses, qui auraient pu servir à nourrir ma représentation de l’oeuvre et des protagonistes. Le contexte constitue une connexion puissante, car on possède alors une vue d’ensemble permettant de placer des points de repères. Petite parenthèse pour les lycéens ayant débarqué sur cette page… Parlez-en toujours à votre prof… Ça dépendra de sa bonne volonté. Mais il a déjà un programme chargé. Et il est tenu du reste, à suivre un planning précis. Bon courage… Sinon… rassure-toi. Loin de moi la volonté de plomber l’ambiance en déroulant la liste des monarques et des évènements politiques de l’époque. Le résultat serait juste soporifique et n’aurait du reste aucun intérêt. L’essentiel figure au contraire dans les aspects quotidiens de la vie.
Bien que parfois l’Histoire puisse nous aider à éclaircir un point ou deux. L’important consiste à savoir comment les gens vivaient et percevaient l’environnement. On peut voir ensuite quels étaient les systèmes politiques, éventuellement, mais sans se sentir obligé de rentrer dans les détails. Ce que je vais t’apprendre maintenant, mérite ton attention.
Nous allons parler du temps.
On l’a déjà évoqué plus haut, mais je voudrais cette fois-ci parler du temps au 19ème siècle. Parce que justement, il s’agit pour toi de trouver des astuces qui puissent te faciliter la lecture de cette littérature. Cette notion constitue le premier point que je souhaite te soumettre.
Ce rapport au temps si précieux de nos jours qu’on perd patience, dès qu’une page web met plus de 2 secondes à se charger. Je vois à ta tête que tu as déjà vécu cela 🙂. Ne t’es-tu jamais questionné sur notre mode de vie ? Aujourd’hui, tout va très vite. Trop vite. Et pourtant, ça n’est jamais assez.
- On en demande encore plus
- Notre requête s’exprime sans limite
- On exige une rapidité exemplaire
Et du coup, on voit difficilement l’horizon, car on n’a de cesse à vouloir l’éloigner toujours plus loin. Dans la mesure où l’on est insatisfait… C’est peut-être ça, la nature humaine.
Et c’est finalement une bonne nouvelle. Car c’est ainsi que l’Homme progresse. Sa quête lui ayant permis de se dépasser, d’atteindre les autres planètes du système solaire.
Homo sapiens est une espèce en recherche constante de liberté. Pourtant, le temps tel qu’on se le représente n’a pas toujours été ainsi.
Temps des sciences, temps quotidien
À ce titre, Darwin nous enseigna un autre paradigme en publiant De l’origine des espèces.
Bien plus, la naissance de nouvelles disciplines scientifiques allaient tout remettre en cause. Paléontologie et géologie allaient bientôt désagréger l’image d’un monde biblique, laissant peu à peu la place à un univers en constante évolution. Et surtout, ancien.
C’est en millions d’années que l’on comptera le temps. Les questions fondamentales liées aux origines de l’Homme, prennent désormais leurs sources dans ces nouvelles matières. Mais approchons-nous plutôt du quotidien des gens contemporains de l’époque. Car c’est après tout à cet endroit, que je souhaitais retenir ton attention. Figure-toi qu’autrefois, chaque localité possédait sa propre heure. On ajustait celle-ci selon la position du soleil. Or, le développement des lignes ferroviaires amena les autorités à synchroniser l’heure parisienne avec le pays entier. Reprenons.
- Nous avons d’une part, la représentation scientifique et populaire, considérant le temps comme un espace universel concernant l’Histoire de l’Homme
Un peu comme s’il y avait un avant et un après. Il est d’ailleurs notable qu’on nommait les vestiges préhistoriques d’ante-diluvien, pour les désigner. L’emploi d’une terminologie quasi-religieuse finalement. Puis, grâce aux apports de Georges Cuvier, Lamarck et De Blainville, le temps fut divisé en plusieurs ères géologiques. Le temps cette fois-ci cesse d’être universel.
- Nous constatons d’autre part, une administration obligée d’harmoniser un temps multiple selon qu’on habite Toulon (j’y suis né, hihi) ou Rouen (j’y habite, hoho)
Inversion totale. Le temps devient pluriel en sciences. Il évolue vers une dimension universelle dans la vie quotidienne. Celui-ci se calant dorénavant sur Paris. Cette nouvelle approche temporelle est fondamentale dans notre compréhension du 19ème siècle. Parce qu’elle nous permet de mieux cerner tous les acteurs de l’époque et les évolutions qu’ils vivent.
Le temps devient malléable. Sa représentation se modifie selon les espaces qu’elle occupe. Elle va s’étendre ou au contraire s’écourter, grâce au progrès du transport. Et je n’évoque même pas notre temps actuel. Albert Einstein démontra que le temps était relatif, en fonction du référentiel et de la gravité exercée.
Mais ça, c’est une autre histoire…
Voyager en train
Les distances deviennent moins longues. Le peuple peut enfin voyager. Ou du moins, la moyenne bourgeoisie. À l’époque, il fallut attendre 1837 avant la mise en service de la toute première ligne. Celle-ci reliant Paris à Saint-Germain-En-Laye.
L’horloge constitue une extension qui sera toujours associée à la gare.
Avant, on prenait la diligence sur des sentiers plus ou moins entretenus, avec toutes les contraintes que l’on peut imaginer. L’engouement du train fut total et on aménagea ensuite très rapidement, près de 17000 kilomètres. De nombreux auteurs en profitèrent pour se rendre dans de lointaines contrées de France et même du monde. Cependant, Lamartine était déjà parti en Orient bien avant 1837 et l’avènement du train. Mais ce moyen supplémentaire a sans doute permis de développer davantage les déplacements.
Le récit de voyage s’est d’autant plus affirmé avec Flaubert et Nerval notamment. Le progrès s’est donc mis au service de l’évasion, du rêve et de l’exotisme. Que serait ainsi Salammbô, sans le voyage oriental qu’a entrepris Flaubert. Cette photo du Palais Mamelouk illustre l’une des étapes que l’écrivain fit avec l’un de ses meilleurs amis, Du Camp.
Grâce au charbon, la France entra dans une période de prospérité sous le second Empire (1852-1870). C’est l’ère industrielle, dont les expositions universelles parisiennes reflètent chaque fois les avancées techniques.
L’importation
C’est au cours du 19ème siècle que le produit de manufacture, s’insère progressivement chez les classes populaires. C’est pourquoi d’ailleurs, le déchet tel que nous le connaissons s’est multiplié.
Et le chiffonnier naguère si courant, verra peu à peu son activité tomber en désuétude durant le 20ème siècle. Car le recyclage perd régulièrement de sa valeur. Il est remplacé par la matière première et l’accessoire de plus en plus importés.
Tout est finalement à l’origine du charbon (plus tard, le pétrole), lequel est au coeur de l’industrialisation du pays et des transformations sociales qui en découlent. On peut également y voir la naissance de l’objet de collection, si présente dans la littérature de Balzac (La Peau de chagrin, La cousine Pons). C’est donc tout un processus améliorant la vie quotidienne des gens. En leur donnant plus d’objets, cela représentait un gain de temps, incontestablement.
À dire vrai, ce qu’il faut retenir du 19ème siècle ne doit pas se limiter – de mon point de vue – à des concepts ou des améliorations techniques, même si cela était nécessaire. Il faut en réalité évoquer un peu la politique française, afin de saisir certains enjeux qui nous permettront de comprendre finalement d’où nous venons.
Et là, j’te vois venir… tu penses que je t’ai peut-être un peu arnaqué, en soulignant tout à l’heure que j’allais pas te surcharger l’esprit d’Histoire et de rois… Sois tranquille. Mon but consiste simplement à donner les références nécessaires, afin de bénéficier d’une vue globale et compréhensive du 19ème siècle.
Car celui-ci constitue la grande période révolutionnaire de la France. Les évènements historiques, scientifiques et sociaux se lient entre eux. Leur connaissance apporte une clarté à la littérature.
Aspects historiques
Depuis la mise à mort de Louis XVI, on recherche sans cesse d’autres systèmes de gouvernement. Voici les différentes étapes ayant jalonné la vie politique française, suite à l’exécution du dernier souverain appartenant à l’Ancien Régime, Louis XVI. ‘Tention. Faut pas mémoriser l’énumération qui va suivre. L’essentiel réside dans la diversité des régimes, que tu pourras d’ailleurs consulter sur une simple frise chronologique. Cette période s’étend tout au long du siècle.
- Ire République (Convention, Directoire, Consulat)
- Ier Empire (Napoléon Bonaparte)
- Restauration (avec le retour de la Monarchie issue de l’Ancien Régime)
- IIe République
- IId Empire (Napoléon III). Oui, vous avez bien noté qu’il n’existe pas de Napoléon II…
- Puis IIIe République, qui cette fois s’installera définitivement, suite à la chute du dernier empereur
Vaste chantier durant lequel la France fut secouée.
Révolutions et changement de régime se déroulent dans la sueur, se terminent souvent dans le sang. À l’image de la célèbre toile de Delacroix, le peuple subit les conséquences d’une répression et d’une évolution des systèmes politiques.
Avec le contexte de la censure, parfois de l’exil, comme celle de Victor Hugo. Ponctué c’est vrai, par quelques moments de prospérité et de liberté relative, comme celle de la presse au début du règne de Louis XVIII (Restauration).
La Liberté guidant le peuple, d’Eugène Delacroix
Manifestement, tu constates que le 19ème siècle correspond à une période pendant laquelle les gens se questionnent, cherchent et veulent trouver des réponses. Comme nous l’avons vu, de grands bouleversements ont lieu, au-delà de la recherche du meilleur système politique. D’ailleurs, les expositions universelles de Paris, montrent à quel point les thèmes liés au progrès technologique sont légions à cette époque.
Les disciplines évoquées par ailleurs comme la géologie et la paléontologie, sont quelques marqueurs de l’évolution de notre perception du monde. Parallèlement, une déchristianisation de la Société se met en place. Précisons tout de même que celle-ci a cours depuis le siècle des Lumières, mais passons… Le progrès figure au centre des préoccupations. Ce qui nous amène à la pensée de l’époque.
En effet, si l’on suppose que l’amélioration du confort, comme le transport ferroviaire, soit si essentielle à l’épanouissement, c’est qu’il existe derrière toute une réflexion soutenant cette démarche. D’où vient-t-elle ?
Réflexions philosophiques
Ok. Là, je devine ton désarroi. Prend pas la poudre d’escampette. Car tu dois absolument te rappeler de ce que je vais annoncer. La philo, c’est quoi ?
C’est tout simplement réfléchir sur le monde, questionner son environnement, soulever des problèmes majeurs de la vie. Autant d’interrogations que l’on peut se faire. Tout le monde peut être philosophe d’une certaine façon.
Il y en a juste certains plus capables que les autres.
- Parce qu’ils ont la connaissance
- L’art et la manière de poser des arguments
Tu dois pas ressentir d’appréhension en voyant ce mot. Si j’aborde ce sujet, c’est parce qu’il est fondamental dans mon exposé. Vous avez sans doute entendu parler de Michel Onfray animant des cours de philosophie populaire. Nos descendants du XXIIème siècle évoqueront sans doute une période de la France, durant laquelle cette personne publique proposait un axe de pensée. D’autant plus que la philosophie est liée au politique. Je vous engage ici, à en faire de même avec nos ancêtres du 19ème. Pour comprendre comment on pensait. C’est une donnée essentielle, permettant de faire le lien avec tout ce que l’on a vu précédemment. Je parlais de progrès, de sciences, de religion. Vous verrez que toutes les transformations sociales et techniques de cette période, sont – au moins en partie – nait des idées d’intellectuels, ayant marqué leur époque.
Claude Henri de Rouvroy de Saint-simon s’engage ainsi dans cette voie. Le saint-simonisme, courant ayant émergé des idées politiques et philosophiques de cette personnalité, exerça une très grande influence, tout au long du siècle. Les adeptes de l’idéologie saint-simonienne cherchaient à établir une justice sociale. Ils souhaitaient instituer le travail, l’égalité Hommes-Femme et l’industrie, comme des valeurs capables de libérer l’être humain de ses contraintes. Voilà globalement le projet.
Saint-Simon collabora avec Auguste Comte (en illustration). Ce brillant polytechnicien, allant justement prendre une place non négligeable dans le champ politique et social. Il proposa à ses contemporains une nouvelle philosophie de la pensée. Ainsi, la Connaissance passerait d’abord par deux stades.
Soit, tout ce qui a rapport à la religion.
Il s’agit de la réflexion, reposant essentiellement sur la logique et la démonstration. Avant une dernière étape, constituant l’aboutissement du cheminement intellectuel.
Le point ultime du savoir, basé finalement sur l’observation et le raisonnement. C’est ce qu’on appelle la loi des trois états issue du positivisme d’Auguste Comte (Eh ! Maintenant, tu pourras briller dans les dîners mondains, en replaçant cette phrase). Obtenu grâce au renoncement de toutes les questions, liées à la transcendance et à ce que l’on appelle métaphysique.
En effet, les réflexions issues uniquement du raisonnement et non de l’observation tendraient vers des notions abstraites, dénuées de fondement. Cela nous dirigerait vers des spéculations, contribuant à nous éloigner de la vérité. Il est donc concevable de voir chez Auguste Comte une volonté d’instruire. Or, quel meilleur moyen de donner une clef de compréhension du monde, en enseignant l’astronomie ? (je vous avis dit qu’on retournerait dans les étoiles). Soulignons que ses cours rencontrèrent un grand succès auprès des foules, dont une partie appartenait aux classes populaires.
À ce stade de l’article, il est nécessaire de revenir au coeur de notre sujet : la littérature du XIXème. Pour y prendre goût, je t’ai invité à feuilleter quelques éléments d’Histoire et de philosophie. Temps, industrialisation, différents régimes politiques ou encore pensée positiviste.
En nourrissant ton imaginaire à l’aide de ces notions, tes lectures de romans du 19ème siècle seront beaucoup plus agréable. C’est comme si tu disposais d’un GPS. Or, elle a évolué cette littérature, tu le sais.
Pour parachever ma réflexion sur le sujet, je te propose de voir l’évolution jusqu’au siècle suivant. Car parcourir quelques moments phares du XXème, contribuera à rembobiner le film et rendre ainsi la lecture des oeuvres classiques, plus sympathique. Tu verras, c’est capital. Car parcourir quelques moments phares du XXème, contribuera à rembobiner le film et rendre ainsi la lecture des oeuvres classiques, plus sympathique. Tu verras, c’est capital.
La littérature du 19ème siècle prend son temps pour poser l’intrigue, présenter les personnages à l’aide de phrases souvent longues. On use et on abuse de périphrases. En d’autres termes, il est dit en un paragraphe, ce qui pourrait l’être en quelques mots.
C’est le moment où l’un de vous lèvera le doigt pour me signaler Marcel Proust, dont l’oeuvre parue à partir de 1913, témoignait d’une expression imbriquant phrases longues et complexes. D’accord, mais globalement, ce style appartient beaucoup plus au 19ème.
Du romantisme au réalisme
L’esthétique constitue une dimension fondamentale du récit. À la manière des Romantiques, d’abord pour élever un sentiment exalté et partager avec le lecteur sa nostalgie où son spleen. Lire à ce propos, La Confession d’un enfant du siècle d’Alfred de Musset.
Grâce à Madame Bovary de Gustave Flaubert ensuite, dont le réalisme marquera pour toujours l’histoire littéraire. Cette oeuvre développe chez le lecteur la meilleure visualisation possible d’une scène. L’art et la manière du narrateur repose également sur sa capacité d’intervenir au sein des descriptions. Afin de mieux dénoncer une situation, s’en moquer, ou au contraire en dire le plus grand bien.
Mais je me garde bien de faire du récit datant du 19ème siècle, une généralité. Sa littérature forme un ensemble très varié. Ses auteurs se comptent par dizaines, du moins, les plus connus d’entre-eux. De Balzac à Flaubert, de Victor Hugo à George Sand, on dispose d’un large éventail de style et d’approche.
À la déconstruction des mots
Les différences entre le 19ème siècle et le notre reposent principalement sur deux aspects :
- une expression plus directe, permettant de ressentir une impulsivité, une fraîcheur j’allais dire, des évènements. Le tout au service d’une action plus soutenue
- Puis un style littéraire plus conforme à l’époque durant laquelle est écrite l’oeuvre.
Pour mieux comprendre cette évolution, il faut aussi porter attention aux différentes écoles artistiques, ayant fleuri d’un siècle à l’autre. Nous sommes progressivement passés par la déconstruction des mots et du sens. Les mouvements participent à l’évolution naturelle, de la création artistique, poétique et littéraire. Ils naissent toujours en réaction par rapport à un autre. On tente de redéfinir les règles en proposant de nouvelles normes. Parfois dénoncées, critiquées ou moquées. Voir à ce propos la Querelle des Anciens. Ou au contraire on s’en débarrasse, comme d’un boulet encombrant. Ainsi, Apollinaire se positionne à mes yeux en dehors des querelles artistiques. Il ne s’interdit nullement d’appliquer des formes inédites. Il nous enseigne comment l’absence de ponctuation pouvait décupler la force de la prose ou des rimes.
Calligrammes nous indique par ailleurs son soucis, concernant l’architecture même d’un poème.
Il propose une interaction inédite avec son lecteur, comme s’il souhaitait intégrer une dimension graphique au lyrisme de ses vers. Enfin, André Breton nous a légué l’écriture automatique. Et on pourrait prolonger notre réflexion sur le mouvement Oulipien, nous ayant permis d’explorer les possibilités incroyables de la création littéraire, avec La Disparition de Georges Perec, le célèbre roman sans e.
Il existe une réponse à trouver avec cette déconstruction des mots dans les différentes guerres mondiales. Avec tout le traumatisme que cela a pu causer.
Le Dadaïsme et le Surréalisme constituent des réactions remarquables aux évènements politiques. Le premier étant d’ailleurs plus indiqué pour son expression anarchique, en réaction à toutes les autres. Son modèle artistique étant justement de clamer qu’il n’en exprimait pas…
Ce tableau – rapide et très réducteur, j’en conviens – du XXème siècle peut fonder chez toi une nouvelle connexion. Comme une corde tendue entre deux âges. Si la consistance de cette corde représentait le style du 19ème, celle-ci s’atténuerait au fil de son évolution vers le siècle suivant. On serait en mesure de voir le cheminement ayant aboutit jusqu’au notre.
As-tu maintenant tous les outils ?
Lire la littérature du 19ème te permettra de décupler l’inspiration qui te manque. Flaubert lui-même, s’impliquait dans la lecture des oeuvres classiques de son époque, comme celle de Boileau.
Que tu sois écrivain ou lecteur, l’intérêt est de multiplier sa créativité tout au long de la vie. Roman, correspondance, nouvelle, littérature fantastique, oeuvres populaires… Autant de de lectures qui alimenteront ton imaginaire. L’auteur du XIX ème siècle s’investit dans la présentation d’une scène et de l’histoire qu’il nous conte. Par ses délicates descriptions, il nous invite à vivre intensément chaque page comme si nous prenions part à l’intrigue. À l’image de l’introduction du fameux roman de Flaubert, l’Éducation sentimentale.
Le 15 septembre 1840, vers six heures du matin, la Ville-de-Montereau, près de partir, fumait à gros tourbillons devant le quai Saint-Bernard. Des gens arrivaient hors d’haleine ; des barriques, des câbles, des corbeilles de linge gênaient la circulation ; les matelots ne répondaient à personne ; on se heurtait ; les colis montaient entre les deux tambours, et le tapage s’absorbait dans le bruissement de la vapeur, qui, s’échappant par des plaques de tôle, enveloppait tout d’une nuée blanchâtre, tandis que la cloche, à l’avant, tintait sans discontinuer. Enfin le navire partit ; et les deux berges, peuplées de magasins, de chantiers et d’usines, filèrent comme deux larges rubans que l’on déroule.
Un jeune homme de dix-huit ans, à longs cheveux et qui tenait un album sous son bras, restait auprès du gouvernail, immobile. À travers le brouillard, il contemplait des clochers, des édifices dont il ne savait pas les noms ; puis il embrassa, dans un dernier coup d’œil, l’île Saint-Louis, la Cité, Notre-Dame ; et bientôt, Paris disparaissant, il poussa un grand soupir. M. Frédéric Moreau, nouvellement reçu bachelier, s’en retournait à Nogent-sur-Seine, où il devait languir pendant deux mois, avant d’aller faire son droit. Sa mère, avec la somme indispensable, l’avait envoyé au Havre voir un oncle, dont elle espérait, pour lui, l’héritage ; il en était revenu la veille seulement ; et il se dédommageait de ne pouvoir séjourner dans la capitale, en regagnant sa province par la route la plus longue.
Le tumulte s’apaisait ; tous avaient pris leur place ; quelques-uns, debout, se chauffaient autour de la machine, et la cheminée crachait avec un râle lent et rythmique son panache de fumée noire ; des gouttelettes de rosée coulaient sur les cuivres ; le pont tremblait sous une petite vibration intérieure, et les deux roues, tournant rapidement, battaient l’eau.
L’Éducation sentimentale, Gustave Flaubert, Wikisource.
J’espère t’avoir aidé en te donnant quelques réflexions et quelques repères historiques. Pour une lecture plus agréable, une compréhension meilleure du monde de cette époque. Mes réflexions philosophiques sur le sujet t’assisteront je le souhaite, à saisir davantage une période trouble, faîtes de révolutions et de guerres. Pour au moins, le simple plaisir d’apprécier une oeuvre.
Fethi Hachemi explore la littérature et présente des auteurs contemporains méconnus de la toile. À travers George Sand et les écrivains du XIX ème siècle, il vous invite à découvrir une époque autant révolutionnaire que bouleversante.
Louisa
C’est une belle initiative et je trouve que tu fais justice à cette période. Tu as bien fait de changer le début pour nous faire découvrir ce qu’on pouvait lire. Très bon choix d’extraits aussi!
F. Hachemi
Yes ! Le premier commentaire, merci Louisa. Et merci pour ton enthousiasme. Effectivement, un autre lecteur m’avait également suggéré d’inverser fin et début. Merci à Magali au passage. J’ai passé tellement de temps dessus, que je n’avais plus assez de recul pour me rendre compte de cette évidence.