Texte - Mes voies intérieures | Écriture - Littérature
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Texte – Mes voies intérieures – 1 ère partie

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Troublée par des voix intérieures, je me mis à ruminer les anciennes paroles de nos maîtres, vantant les vertus de la modernité. Le Monde d’avant glorifiait une société protectrice, garantissant éducation, bien-être, technologie et abondance. Cela engendrait une mystification, dès lors qu’on nous abandonnait en réalité sur le chemin de l’asservissement. Ou pire… D’une existence nous maintenant dans l’ignorance, que le politique tentait de stabiliser à coups de subventions, afin de maintenir une paix sociale fragile. Laquelle d’ailleurs nous cloîtrait dans nos futiles préoccupations quotidiennes. 

Ciné, sorties, boîte, shopping, télé-réalité, streaming, réseaux sociaux… Toute la panoplie du consommateur modèle, destinée à nous éloigner de la charge d’un monde bien trop lourd pour nos épaules. La maxime d’un esclavage 2.0, dilapidant toute notre thune et nous éloignant chaque jour, d’une résilience profitable. Parce qu’hier, le ferment de la violence et de la mainmise d’une classe politique insouciante, donna naissance à un délitement total de la matrice… Une dégénérescence entrainant aujourd’hui ce Monde à son déclin.

Ce Monde qui s’est oublié parce qu’on a été méprisé, parce qu’on a été niais, parce qu’on a été aveugle. Déchéance méritée ? Homo Sapiens Sapiens n’a édifié au bout du compte qu’une arnaque, bonne à satisfaire notre égo. L’Homme qui sait qu’il sait, n’a rien su. Éternelle récidive de l’écroulement d’un système, dont la disgrâce était courue d’avance. Et je sais moi que dans toute cette confusion, seul le repli vers des terres élevées me tiendra lieu aujourd’hui de vérité, dont l’avenir s’annonce de toute évidence hypothétique. Le salut se trouve en haut.

Sous ce ciel qu’une fumée épaisse imprégnait, tout en voilant une partie de l’horizon. Je me dressai sur le bas-côté de la colline en funambule maladroite, cherchant à localiser l’origine de cette brume sombre et profonde. Cela n’en fera de toute façon qu’une de plus, parmi toutes celles que j’ai déjà vues. Observant incrédule le spectacle, j’en oubliais les petits gravillons de la route qui roulaient comme des billes, sous la semelle de mes sneakers. Je me relevai à grand-peine, ramassée dans une nuée de poussière qui recouvrit par de larges trainées blanches, ma combinaison et mon sac.

Je repris lentement mes marques accompagnée du chant des cigales. Seul crépitement perturbant ce calme blanc. Un silence auquel je m’habituais peu…. Elles entonnent une mélodie monotone et discontinue depuis l’aube. Disharmonie insidieuse, permanente, dont le refrain inspirait étrangement une méfiance de tous les instants. Malgré le jour s’estompant au fil des heures, l’orchestre ne montra aucun répit. Tout en doublant la cadence, je déboutonne partiellement ma chemise et resserre légèrement le sac autour de ma taille.

Chaque mètre parcouru me décoche son lot de souffle, de moiteur, de peine et de râle. Chaque foulée apporte son assortiment d’épreuves supplémentaires à négocier. Chaque élan succède à une mortification, un purgatoire impromptu, une punition au pied levé… La pénitence imaginaire d’une vie remplie de plaisirs illégitimes, d’un confort coupable que la douleur compense à grandes enjambées. Cette errance, c’est mon exode. Endurance programmée à vif. Un circuit non balisé, un Saint-Jacques-de-Compostelle sans mesure.

Et sans Dieu. Une poudre d’escampette improbable. Organisée en pleine débâcle. Le martyre improvisé d’un noble but… Survivre au milieu du chaos. Bretelle réajustée, je décollai d’un geste rapide la chemise détrempée de mon dos, puis entamai après coup la dernière ligne droite de mon ascension. Parvenue au bout du chemin, la voie dévoile ses notes dissonantes. Côté cour, le bitume donnant l’impression de se liquéfier au loin. La masse bouillante exposait le mirage d’un théâtre douloureux et sans retour.

Côté jardin, le sentier au-dessus duquel s’était établi un réseau de branches d’arbres, pliant sous le poids d’un généreux feuillage. En s’agglomérant, celui-ci semblait avoir sculpté un parasol effilé aux extrémités, ayant absorbé la rosée matinale. On pouvait songer à des gouttelettes de pluie en suspension. C’était une ombrelle remarquablement proportionnée, sous laquelle je pouvais m’éloigner un moment de la fièvre ambiante. Cette différence m’incita à dévier vers le champ voisin, propice à la végétation et aux zones ombragées.

Marcher aussi pour échapper à la folie. À une libération de l’esprit. Est-ce d’ailleurs ainsi que les fidèles cherchaient à épanouir leur âme ? Je ne détiens que l’épuisement, ma faim et ma sueur en guise de richesse. J’ignore si cela suffira à combler une offrande. J’espère juste en retour gagner la faculté de pouvoir encore m’évader, apprendre, rêver… Et manger. Une manière paradoxale de s’attribuer un don, en espérant la faveur d’un dieu inconnu. La lumière naît paraît-il en réponse au labeur latent, que l’on s’efforce de mener sur

l’autel de la volonté, du courage et de la foi. Pareille au cierge se consumant, destiné à faire entendre sa prière. Le chemin de croix – dit-on – ouvre des perspectives en développant une connaissance profonde de soi. Ma longue course jetait néanmoins les bases d’un périple précipité, loin d’une quête mystique. Celle que j’avais décidé d’accomplir. Sans allié, sans dieu ni personne.

(À suivre)

© Août 2024 – Fethi Hachemi


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